Sexualité et spiritualité conjugale

Dans le cadre d’une collaboration avec Radio Maria, les Équipes Notre-Dame ont participé à une série d’émissions ayant pour but de présenter le mouvement et sa spiritualité. Dominique et Jean Arondel avec Marie et Didier Gougis, équipiers Notre-Dame, ont été les intervenants d’une émission consacrée à la sexualité et à la spiritualité conjugale. L’essentiel de leurs propos est reproduit ici.

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Le lien entre sexualité et spiritualité conjugale

N’est-il pas surprenant, inhabituel, d’associer ces deux mots « sexualité » et « spirituel » ? Pourtant, dès la Genèse, l’union de l’homme et de la femme apparaît comme un grand cadeau de Dieu. « Le Seigneur Dieu dit : ”Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Je vais lui faire une aide qui lui correspondra”. […] L’homme dit alors : ”On l’appellera femme – Ishsha –, elle qui fut tirée de l’homme – Ish”. À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un » (Gn 2 18, 23 24). « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme » (Gn 1, 27). Ils ne font plus qu’un : une seule chair, corps et âme. Homme et femme à l’image de Dieu, couple humain dans toutes ses dimensions y compris la dimension charnelle ! « Dieu vit tout ce qu’il avait fait : et voici, cela était très bon » (Gn 1, 31).

D’autres textes font référence à la sexualité dans la Bible. Le Cantique des Cantiques, un poème d’amour, décrit la quête mutuelle de l’homme et de la femme, le seul texte des Écritures qui ne mentionne pas Dieu explicitement. « Ah ! Que tu es belle ! Que tu es douce, amour, en tes caresses ! Tu es élancée comme le palmier, tes seins en sont les grappes. J’ai dit : je monterai au palmier, j’en saisirai les fruits. […] Il s’écoule vers mon bien-aimé, abreuvant des lèvres endormies. Je suis à mon bien-aimé : vers moi, monte son désir. Viens, mon bien-aimé… » (Ct 7, 7-14). Un poème d’amour, avec passages érotiques, et sans le nom de Dieu ! Cette histoire d’amour homme-femme, avec sa dimension érotique constitue un chemin de compréhension de l’amour de Dieu. La sexualité, bien vécue est chemin de sainteté, de don total à l’autre et à Dieu, image de l’être même de Dieu où le Père et le Fils se donnent l’un à l’autre dans le souffle d’amour de l’Esprit Saint.

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Aujourd’hui qu’en dit l’Église ? Cela n’a pas toujours été le cas dans les temps anciens, mais aujourd’hui, l’Église affirme avec force que l’union sexuelle des époux est un grand don de Dieu et un chemin de sainteté. Nos trois derniers papes se sont prononcés à plusieurs reprises sur ce sujet. Citons :

« Toute la vie dans le mariage est un don ; mais cela devient particulièrement évident
lorsque les époux, s’offrant mutuellement dans l’amour, réalisent cette rencontre qui fait des deux ”une seule chair” » (Lettre aux familles, 1994, n°12). Jean-Paul II a consacré 129 catéchèses à la théologie du corps.

Saint Jean-Paul II

« L’homme devient vraiment lui-même, quand le corps et l’âme se retrouvent dans une profonde unité ; le défi de l’éros est vraiment surmonté lorsque cette unité est réussie » (Encyclique « Dieu est Amour », n° 5).

 Benoît XVI

« Nous ne pouvons considérer en aucune façon la dimension érotique de l’amour comme un mal permis ou comme un poids à tolérer pour le bien de la famille, mais comme un don de Dieu qui embellit la rencontre des époux » (Amoris Laetitia, n° 152).

 Pape François

Apprentissage de la sexualité, le dialogue en couple

L’amour, cela s’apprend. « Il faut absolument guider les ménages vers la perfection humaine et chrétienne de la relation sexuelle » disait le père Caffarel, et Jean Allemand reformulait cette pensée : « Actuellement la mécanique de l’union sexuelle, les jeunes la connaissent tous en allant sur internet. Ce qu’il faut vraiment enraciner chez eux, c’est le lien de la sexualité et de l’amour ».

Et où faire cet apprentissage, si ce n’est en famille ? En regardant l’exemple de ses parents plus que par de longs discours : leurs paroles remplies d’amour, leurs gestes de tendresse devant les enfants, les échanges de cadeaux, un moment de qualité partagé dont les enfants se souviennent : cet apéritif rituel familial du vendredi soir par exemple…

Apprendre les différences entre le féminin et le masculin : plus facile maintenant qu’à l’époque du père Caffarel ! La mixité est partout dès le jeune âge dans les écoles. Elle permet de découvrir souvent dans l’inconscient, ces différentes réactions de garçon et de fille. Il n’en demeure pas moins que la connaissance des différences concernant la sexualité proprement dite reste souvent très partielle.

Les aider encore en leur conseillant de se former pour éclairer leur conscience, pour savoir porter un jugement sur ce sujet en toute liberté et responsabilité. C’est certainement aussi essentiel.

L’Église propose différentes initiatives, pour accompagner le chemin sexuel et spirituel des couples, la préparation au mariage, des retraites, des soirées de réflexion…, mais il y a aussi des mouvements et des parcours tels que : les Équipes Notre-Dame, Tandem Couple, Parcours Ensemble, Alpha Couple, Vivre et Aimer, Amour et Vérité, Cana, Cler amour et famille…

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Une formation initiale est nécessaire mais elle doit, comme dans une vie professionnelle, être poursuivie d’une formation continue. Cette formation doit inciter les époux au dialogue, cet échange entre mari et femme doit être cultivé tous les jours, tout au long du chemin de leur vie. C’est un instrument pour connaître l’autre, ses goûts, ses désirs, ce qu’il n’aime pas. C’est un instrument d’adaptation car le conjoint évolue ! Mais ce dialogue n’est pas toujours simple : c’est savoir écouter vraiment, décoder, reformuler au besoin ; parler, oser exprimer ses sentiments, ses désirs, ses appréhensions sexuelles ; c’est aussi accepter les différences. Et c’est certainement pour cela que conscient de l’importance de cette communication régulière, le père Caffarel proposa aux couples de s’obliger chaque mois à un Devoir de S’Asseoir, pour se dire son amour, faire le point du quotidien, le point de sa sexualité, se dire merci, s’il te plaît, et pardon sous le regard du Seigneur. Il proposa également une prière conjugale partagée chaque jour, celle-ci trouve tout naturellement son sens dans le postlude d’une union charnelle pour dire merci à l’autre et merci ensemble à Dieu parfois encore enlacés, avec un simple « Notre Père ». Et le père Sonnet conseillait de surcroît de faire un voyage de noces par an, pouvant être bref mais sans enfant !

Tendresse, union charnelle, évolution et crises

On ne peut pas dissocier sexualité et tendresse. C’est la tendresse qui permet d’exprimer son amour tout au long de sa vie de couple. Gary Chapman a identifié les cinq langages de l’amour, cinq façons d’exprimer à l’autre son amour : par des paroles valorisantes, par des moments de qualité, voire des cadeaux, ou encore des services rendus et enfin par le toucher physique. Il faut rechercher vraiment ce que l’autre attend de moi et non pas ce que je pense qu’il ou elle attend. Et c’est d’autant plus important que cette tendresse éveille le désir physique. Elle permet plus tard d’accepter plus facilement l’absence ou l’impossibilité d’union charnelle liée à la maladie ou à l’âge. « Il ne peut pas y avoir de vraie moralité de la sexualité, s’il n’y a pas eu de qualité de la sexualité » disait le père Caffarel.

Quelle place prend l’union charnelle dans la sexualité ? L’union charnelle est un acte libre qui présuppose l’union des cœurs. C’est un acte d’amour qui a de la valeur. « Le plaisir est une réalité sainte, de l’ordre de Dieu et ne doit pas être suspect comme ces spiritualités chagrines que l’on avait connues si souvent » nous disait encore le père Caffarel.

C’est un acte épanouissant, facteur de fidélité et de stabilité du couple. C’est un acte libre certes, mais acte d’amour : le père Sonnet écrivait « Le conjoint qui n’a pas un réel désir sexuel de l’autre parce qu’il est fatigué pourra, par amour, généreusement, accepter de répondre à une attente très forte de l’autre… À l’inverse, un conjoint pourra, par amour et généreusement, renoncer à son désir. Mais pas à la tendresse… ». On peut en user aussi souvent que possible car cette union déclenche une sécrétion de l’ocytocine, cette hormone dite de la fidélité conjugale…

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Cet amour physique bien sûr évolue avec l’âge. S’il devient moins fréquent, il laisse place à plus de tendresse, comme il est touchant pour les enfants et petits-enfants de voir des grands-parents se câliner ! Le père Caffarel disait encore : « La véritable abnégation, c’est précisément de s’imposer de ne jamais cesser d’aimer, de vivre sans cesse en attitude ”pour toi” et jamais en attitude ”pour moi” ».

Tout a l’air rose et pourtant tant de couples divorcent. Que leur arrive-t-il ? Effectivement le parcours de la vie conjugale n’est pas un long fleuve tranquille : surviennent des crises qui s’expriment par des disputes répétées qui font mal, par le silence qui s’installe, par le refus sexuel. Les causes sont multiples et surviennent tout au long du chemin.

Au début du mariage, pendant le temps d’adaptation, c’est une sexualité encore immature. Plus tard alors que la routine s’installe, c’est « je ne t’aime plus », « nous ne sommes plus ”amoureux” », alors il faut maintenant « vouloir aimer ». Peut aussi arriver la tentation de la chair liée au mode de vie, à l’ambiance sociétale actuelle. Les accidents de la vie (chômage, séparation géographique professionnelle, confinement, télétravail, maladie, vieillesse) peuvent aussi déstabiliser l’entente et déclencher ces crises. Mais aussi parfois ces causes, ces expressions de mal-être peuvent cacher une cause plus profonde : une insatisfaction de l’un ou l’autre jamais avouée, jamais exprimée : un malaise sexuel.

Toutes ces crises ne peuvent se résoudre que par le dialogue et la volonté de redonner vie au désir de recevoir et de donner l’amour en s’appuyant sur les grâces du sacrement de mariage. Dans tous les cas, il faut demander et accepter le pardon (qui n’est pas l’oubli mais un acte d’amour). Ces crises permettent de surmonter notre égoïsme et la réconciliation nous fait grandir et nous fera porter du fruit. Mais il est parfois souhaitable de se faire aider par un proche ou un conseiller conjugal qui aideront à retrouver un dialogue apaisé et bienveillant. Boris Cyrulnik, neuropsychiatre dit : « Un couple ne dure et ne tient que s’il a une cathédrale à bâtir dans la tête ». 

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Conclusion

Nous vous invitons à rendre grâce à Dieu pour ce que vous êtes ! Demandons-Lui d’avoir la volonté d’aimer, de nous laisser éclairer par la prière, de savoir dialoguer régulièrement pour nous adapter l’un à l’autre au fil du temps, et d’avoir l’humilité de nous faire aider si nécessaire. Ainsi le couple peut devenir « lumière du monde », lumière pour ses enfants, ses amis, et toutes les personnes rencontrées. Sachons nous émerveiller devant le cadeau que Dieu nous fait dans le sacrement de mariage qui nous guide pour vivre une sexualité donnée et épanouie. Soyons remplis de joie de ces unions pour donner goût à toute notre vie. Et soyons remplis d’Espérance : les couples s’unissent dans le mariage pour grandir dans l’amour, un amour qui ne passera pas.

Article paru dans La Lettre des Equipes Notre-Dame n°243 – Octobre/Novembre 2021

Faites grandir les couples dans la foi