Nous avons laissé Dieu entrer dans notre intimité

Lors de notre préparation au mariage, dans notre lettre d’intention, nous avions émis le souhait d’avoir une famille nombreuse. Pendant nos deux premières années de mariage, la découverte de la vie en couple et les activités professionnelles naissantes nous ont accaparés. L’absence d’enfant ne s’est pas faite sentir tout de suite

Un malaise a pointé le bout de son nez lorsque les faire-parts de naissance commençaient à arriver. Les avis et conseils aussi : « Alors quand est-ce que vous allez nous faire un bébé ? » Ce genre de remarques nous heurtait et nous stressait.

Après quatre ans de mariage sans enfant, nous avons consulté notre médecin de famille qui nous a envoyés vers un grand ponte local. Nous nous sommes retrouvés dans un grand centre spécialisé où la dimension humaine était totalement absente. Les salles d’examen étaient dans un sous-sol, nous avions la désagréable impression d’être des numéros dans une usine de fabrication de bébés. Rapidement nous avons dû discerner notre rapport à la Procréation Médicalement Assistée (la PMA qu’est-ce que c’est ?). Le devenir des embryons congelés a été rédhibitoire. Heureusement nous avons été aiguillés vers un médecin qui nous a accompagnés humainement dans son cabinet. Même si le contexte médical s’éclaircissait, les protocoles médicaux entraient dans notre intimité.

Nous avons laissé Dieu entrer dans notre intimité

Visitation (anonyme allemand, XVe s.)

Là où devraient régner gratuité et spontanéité, les courbes et les graphiques prenaient toute la place. Aucune cause médicale n’avait été découverte mais pour autant les enfants n’arrivaient toujours pas.

Après une stimulation ovarienne éprouvante pour notre couple, nous avons préparé un dossier de demande d’agrément pour l’adoption. Les rendez-vous se sont enchaînés et nous avons reçu un agrément valable 5 ans. Vu les délais d’attente, nous ne devions pas trop tarder pour engager les démarches de demande d’adoption. Mais nous n’arrivions pas à concrétiser : l’élan était comme bloqué, nous étions toujours fortement habités par le désir d’avoir un enfant naturellement.

Souhaitant « laisser faire la nature », nous avons vécu les années suivantes ballottés entre les espoirs et les déceptions. Le plus difficile pour Odile était la succession des cycles, comme une roue contre laquelle elle ne pouvait pas lutter et qui emportait chaque mois une partie d’elle-même. Elle aurait préféré classer le dossier définitivement pour ne plus subir ces déchirements. Pour Sylvain, une double douleur était présente : celle de voir Odile souffrir tous les 28 jours sans pouvoir la protéger ni trouver une solution pour la soulager et celle du pincement au cœur chaque fois qu’il rencontrait un papa s’occupant de ses enfants.

Les conseils pleins de bons sentiments étaient difficiles à entendre : « Ça va venir c’est sûr », « C’est psychologique »… La souffrance interpelle, on veut la soulager mais elle nous rend souvent maladroits. Nous ne savons pas comment réagir et parfois, quelle que soit l’option choisie, elle sera mal reçue. C’est comme une plaie à vif et toute intervention est douloureuse.

 

Spirituellement nous n’étions pas en colère contre Dieu mais pour autant nous ne voulions pas lui demander un enfant. Il nous semblait que Dieu étant tout-puissant, Il connaissait notre désir et que, s’Il voulait nous donner des enfants, il le ferait. Avec du recul nous nous sommes aperçus que notre attitude n’était pas juste, que ces sentiments qui nous semblaient purs étaient en fait guidés par notre peur de ne pas être exaucés, que notre confiance soit déçue.

Demander n’est pas un acte égoïste mais un dialogue avec notre Père.

Nous avons changé d’avis lorsqu’Odile a participé à la prière familiale chez un filleul et l’a entendu demander la grâce que nous ayons des enfants. C’est par la bouche des tout-petits que le Seigneur nous rejoint. Demander n’est pas un acte égoïste mais un dialogue avec notre Père. Lui demander c’était Le laisser entrer dans notre cœur et notre intimité. Autant l’intrusion de la médecine dans notre intimité amène de la rigidité dans ce qui est vivant et souple, autant laisser entrer Dieu dans notre intimité est naturel et légitime. Nous sommes Ses enfants.

Les années sont encore passées, de neuvaine en neuvaine, des réalités sont apparues. Avec du courage et un accompagnement psychologique précieux des nœuds ont pu se démêler. Une première grossesse est arrivée, suivie rapidement de 4 autres. Le feu d’artifice de la vie remplissait notre foyer après 14 ans d’attente. 5 enfants se sont enchaînés en moins de 6 ans ! Priscille notre aînée est arrivée avec notre engagement en tant que responsables de secteur. Lorsque nous donnons, Dieu donne plus encore.

Odile et Sylvain Delye, Equipe Alençon 6

(Extrait de la Lettre n° 247 juin/sept 2022 des Equipes Notre-Dame)

Nous avons laissé Dieu entrer dans notre intimité
Faites grandir les couples dans la foi