Magnifique, le nouveau Magnificat !

Ce n’est plus un secret pour personne : la nouvelle traduction liturgique de la Bible est en usage depuis 9 ans maintenant. Au fur et à mesure des années d’utilisation du nouveau lectionnaire, les fidèles ont déjà eu quelques surprises – heureuses pour la plupart –  Notamment dans l’évangile de Marc que nous a offert l’année B.

Il est temps de se pencher ensemble sur un de ses plus célèbres extraits – le Magnificat (Lc 1,46-55) – qui a lui aussi subi de légers changements sous l’œil averti des artisans de cette nouvelle traduction.

 

Deux changements

Ce ne sont que deux petits changements, à dire vrai, qu’il nous faudra intégrer. L’un au verset 50 et l’autre au verset 55 :

v.50     « Son amour s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent », disions-nous jusqu’ici. Il faudra désormais prier en disant « Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent ».

v.55     « en faveur d’Abraham et de sa race à jamais » concluait cette belle prière. Il nous faudra dorénavant la terminer par ces mots : « en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. »

Ne pas rabâcher

Ce petit lifting est intéressant à plus d’un titre. D’abord, comme à chaque fois que l’on touche à une prière bien connue, il nous demandera une certaine concentration dans les premiers temps.

Et repenser aux mots que nous disons plutôt que de les débiter un peu automatiquement n’est jamais une mauvaise chose ! Jésus lui-même nous met en garde contre la prière qui ne serait plus qu’un rabâchage (Mt 6,7).

L’amour devient miséricorde

Mais allons plus en profondeur. Le changement intervenu au verset 50 passe donc de l’amour à la miséricorde. Force est de constater que, ce faisant, les traducteurs ont respecté le texte grec. On y trouve le terme « eleos » qui signifie « pitié, miséricorde, compassion », et non les termes utilisés pour évoquer l’amour que sont « agapè » et « eros ».

Ce changement est d’autant plus heureux vu à la lumière de l’année sainte de la miséricorde, voulue par le pape François et qui débutera juste après le début de l’année liturgique, le 8 décembre.

C’est bien plus que l’amour, c’est l’infinie miséricorde qui s’étend sur toutes les générations, c’est l’amour d’un père, du Père, le grand pardon.

La Bible de Jérusalem, signalons-le, avait déjà traduit ce verset ainsi, là où la TOB évoque bien pauvrement la « bonté ».

La race devient descendance

L’autre changement n’est pas moins heureux. Le mot que l’on traduit en général par le français « race » est le terme grec « genos », qui a donné « gènes, généalogies » par exemple. On le trouve tel quel en Actes 17,28 et 29 pour dire que nous sommes de la race de Dieu. De façon plus inquiétante, on le trouve dans les fameuses injonctions de Jésus aux Pharisiens lorsqu’il les traite de serpents et d’engeance de vipères. « Race de vipère » a d’ailleurs traduit très justement la bible Segond 21. Dans tous ces passages, le mot grec utilisé est le terme dérivé « gennemata » (voir par exemple Mt 12,34 et 23,33, ou Lc 3,7).

Mais dans le Magnificat, point de « genos » ou de « gennemata ». On trouve le terme « sperma » – qui a donné le « sperme » français. La Bible de Jérusalem avait traduit par « postérité », mais c’est la TOB, cette fois-ci, qui avait anticipé la nouvelle traduction liturgique en parlant déjà de « descendance ».

D’autres occurrences

On retrouve le terme « sperma » dans la parabole du semeur et dans celle du grain de moutarde (Mt 13,24ss, Mc 4,31) pour parler des semences. Mais c’est en Mt 22,24 et suivants (ou parallèles en Mc 12,19 et suivants, ou Lc 20,28, avec le même mot) qu’on trouve le sens de « descendance », dans la fameuse controverse des Sadducéens demandant ce qu’il en est du mariage après la mort.

Jean, quant à lui, l’utilise clairement pour parler de descendance en 7,42, 8,33 et 8,37, ces deux derniers versets évoquant, comme le Magnificat, la descendance d’Abraham.

Moins réducteur

On peut ajouter à tout cela qu’il est sûrement plus heureux de parler de « descendance » plutôt que de « race », vu les dérives nées de ce dernier terme. Mais non seulement c’est plus heureux mais c’est également plus englobant : si l’on parle de la race d’Abraham, on parle – stricto sensu – des Juifs. Or le Magnificat semble avoir une portée bien plus vaste, tout comme la miséricorde du Seigneur. Si nous ne sommes pas de la race d’Abraham, nous sommes par contre clairement de sa descendance.

Il faudra donc s’habituer à cette nouvelle manière de magnifier le Seigneur avec Marie. Gageons qu’elle nous y aidera.

 

Vincent Lafargue

Prêtre pour vous, Chrétien avec vous,

Le 5 nov 2015,

 

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