Là où la souffrance abonde, l‘amour surabonde

Découvrez le bouleversant témoignage de Clémence et Bruno Morin, équipiers tourangeaux (Equipe Tours 38) pour qui la vie va basculer en février 2002 lorsqu’ils apprendront que la petite fille qu’ils attendent sera handicapée.

Février 2002 : alors que nous attendons dans deux mois la naissance de notre deuxième enfant, nous apprenons que son cerveau a un très fort retard de développement. On nous dresse un tableau sans concession : au pire, elle mourra à la naissance, au mieux elle atteindra le stade de développement d’un enfant de cinq  ans et elle sera sans aucun doute sujette à des crises fréquentes  d’épilepsie.

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Nous vivons cette annonce comme un coup de tonnerre dans une vie bien réglée. Au sortir du rendez-vous, nous parlons de son prénom. A sept mois de grossesse, la question avait déjà animé quelques discussions de couple sans que nous ayons pu conclure ; c’est toujours compliqué ! Entre Charlotte et Bernadette, cette annonce nous fait basculer, ce sera Bernadette. La jeune fille de Lourdes sera la sainte patronne de notre petite fille handicapée. Nous sourirons plus tard de certaines situations cocasses dans les hôpitaux où les Bernadette Morin sont plus proches des 80 ans que des 3 ans…

Entre Charlotte et Bernadette, cette annonce nous fait basculer, ce sera Bernadette.

Une future vie d’adulte autonome, c’est le premier deuil que nous devrons faire pour Bernadette. Se posent aussi de multiples questions autour des conséquences de son handicap et de notre capacité à l’assumer. C’est finalement cette période avant la naissance que nous avons vraiment vécue comme une souffrance : les incertitudes, la crainte d’une mort rapide, l’annonce à nos proches. Pas facile d’appeler ses parents pour leur expliquer la situation… et sans doute difficile pour eux d’accueillir cette nouvelle et de trouver les mots…

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Notre mariage nous a sans doute beaucoup soutenus dans ces moments où, alternativement, l’un allait mieux quand l’autre allait plus mal et où nous avons aussi pu nous abandonner pleinement à la confiance en Dieu.

cette petite fille qui ne saura jamais parler, manger toute seule, marcher… mais qui sait rire aux éclats.

C’est finalement cette toute petite vie de 2,5 kg qui nous fait sortir du tunnel pour ne plus y retourner pendant 6 ans. Une vie qui occupe Clémence à plein temps pour cette petite fille qui ne saura jamais parler, manger toute seule, marcher… mais qui sait rire aux éclats. Certes, tout n’est pas rose au quotidien, ses progrès sont très lents, la vie quotidienne est centrée autour de notre organisation avec elle, mais nous n’avons pas de rêves d’activités extraordinaires.

La fragilité de Bernadette associée à son caractère plutôt joyeux facilitent, pour ceux qui la rencontrent, l’expression de l’amour. Nous le voyons chez les soignants qui l’accompagnent, chez nos amis proches, dans nos familles… et cet amour rejaillit sur toute notre famille. Une famille qui s’agrandit avec la naissance de Marguerite, puis de Jacques. Ce souhait d’accueillir d’autres enfants a parfois été incompris, dans le milieu médical, mais aussi par nos proches, l’incertitude sur le risque de handicap d’un nouvel enfant n’ayant jamais été levée. Mais c’est sans doute aussi ce qui nous a permis de ne pas centrer notre vie sur le handicap de Bernadette, de ne pas nous enfermer dans cette souffrance.

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2 décembre 2008. Nous nous levons et découvrons Bernadette au plus mal ; le SAMU arrive rapidement, son cœur ne bat plus, la réanimation ne fonctionne pas. Un quart d’heure plus tard nous nous retrouvons seuls avec notre Bernadette morte dans son lit. C’est l’effondrement. Et rapidement s’ajoutent des évènements déchirants qui resteront gravés dans nos mémoires : l’annonce à nos autres enfants, à nos parents, la morgue, le cercueil blanc dans l’Église… 

Mais aussi des témoignages que nous n’oublierons pas non plus : notre curé qui passe nous voir chaque jour jusqu’à l’enterrement, notre chaleureuse réunion d’équipe Notre-Dame deux jours après, nos amis qui nous aident à préparer l’enterrement, nous apportent des repas, prient pour nous, et, de nombreuses années après, des gens qui nous parlent de Bernadette et de la façon dont la dernière messe avec elle les a touchés. Là où la souffrance abonde, l‘amour surabonde, c’est l’expérience que nous avons faite.

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Aujourd’hui, le temps et la vie qui continue malgré tout ont bien atténué la souffrance extrême de ces jours de décembre. Nous aimons continuer à nous souvenir de notre petite Bernadette au ciel et nous aimons les rencontres avec ceux qui se souviennent d’elle avec nous, même si les larmes peuvent couler. Ce ne sont plus des larmes de souffrance, mais d’émotion à l’évocation de son souvenir.

            Témoignage de Clémence et Bruno Morin (équipe Tours 38) – paru dans La Lettre n°245 des Equipes Notre-Dame – février/mars 2022

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