Dans notre société pluraliste, toutes les façons de se mettre en couple et de faire famille semblent possibles. Existe-t-il des équipiers qui ne soient pas concernés par cette réalité, à travers leurs enfants, des membres de la famille, des amis ? Ce contexte peut bousculer notre foi dans le sacrement de mariage qui est au fondement des Équipes Notre-Dame.
Le mariage hétérosexuel, monogame et pour la vie, fait-il partie du plan de Dieu ? Ou bien, est-il une invention humaine qui a fait sens pour des générations, mais qui serait une hypothèse parmi d’autres ? Le mariage est-il la seule manière de s’accomplir dans la vie affective et sexuelle ? Est-il la seule vocation envisageable pour des chrétiens ?
Commençons par accueillir ces questions que se posent beaucoup de personnes de notre entourage. Comme le note la Commission biblique pontificale dans son document Qu’est-ce l’homme ? Un itinéraire d’anthropologie biblique (Cerf, 2020, n° 19), la Bible n’apporte pas de réponses toutes faites, elle appelle à s’interroger.
Dieu fait Alliance et se révèle
La Bible fait état de manières diverses de faire famille, y compris la polygamie des patriarches. Après l’inscription du mariage monogame dans la loi de Moïse, il y a de beaux exemples de fidélité, mais aussi d’adultère et de violence. Face à cela, Jésus évoque ce qui était « au commencement » : ’action créatrice de Dieu, qui perdure même quand le coeur humain s’endurcit. Dieu fait Alliance et se montre fidèle : par-delà les infidélités, il pardonne, sans cesser de montrer le chemin.
Le plan de Dieu sur le mariage s’est dévoilé progressivement dans l’histoire. Dieu dialogue avec les hommes en les invitant à partager sa vie : il se révèle (Dei Verbum 2). Le prophète Osée parle de l’Alliance à travers son couple touché par l’infidélité. Puisque Dieu pardonne, les époux sont appelés à faire de même. Le Cantique des cantiques célèbre la beauté de l’amour, impétueux et fragile comme les sentiments.
Dans cette révélation progressive, la raison humaine créée par Dieu a joué son rôle. Comment permettre à la vie affective de s’épanouir, d’échapper aux pièges de la sensualité, de gérer la fécondité, d’apporter sécurité aux enfants et à la société ? La voie du mariage hétérosexuel et monogame s’est précisée. À la suite de Jésus, il continue d’être proposé à ceux qui découvrent l’Évangile.
La vie de couple devient ainsi un espace pour découvrir Dieu et croître dans l’amour. Le père Caffarel l’a compris en écoutant et accompagnant les époux chrétiens. La vocation des Équipes Notre-Dame est d’aider concrètement les couples à puiser au mystère divin de l’amour dans le mariage et à l’annoncer par toute leur vie. Comme j’ai pu le constater cet été à Lorette au cours d’une formation de responsables, le développement des mouvements de spiritualité conjugale en Afrique et en Asie répond à une véritable soif.
Le mariage, mais aussi la famille
Les synodes sur la famille, en 1980 et en 2014-2015, ont élargi la problématique du couple à la famille. De fait, la Bible contient des histoires familiales compliquées qui racontent la fidélité de Dieu malgré tout. L’Église fête la Sainte Famille (Jésus, Marie et Joseph) et pas le saint couple. À Lorette, on se recueille dans la sainte maison de Marie. Depuis l’Annonciation et la Nativité jusqu’à la Croix et la Pentecôte, la relation entre Jésus et Marie est unique. La place de Joseph est différente. Marie et Joseph orientent vers la Sainte Famille, où Jésus, dont le nom signifie «Dieu sauve», est au coeur du mystère.
Ce déplacement du couple vers la famille donne à méditer et à vivre aux Équipes Notre-Dame.
La famille d’origine demeure bien présente dans la famille que l’on a fondée. C’est un motif de discernement pour le couple: comment vivre le lien aux vieux parents, à la fratrie, à la famille élargie? L’amour du couple est parfois mis à l’épreuve.
Chacun a une famille d’origine, mais tous ne fondent pas une famille. Le phénomène ancien du célibat prend aujourd’hui la forme de la vie en solo. Les familles d’origine sont marquées par leur culture, de plus en plus souvent par le divorce, parfois par l’homosexualité d’un de leurs membres. Que l’on fonde ou non une famille, la famille d’origine restera un repère. D’où l’importance de l’éducation qui fait des époux des «coopérateurs de l’amour du Dieu créateur et comme ses interprètes»1.
Le mariage est un chemin de grâce
Ce contexte pluraliste incite à reconnaître encore davantage que le mariage est une grâce. Comme le dit Vatican II, «le Sauveur des hommes, Époux de l’Église, vient à la rencontre des époux chrétiens par le sacrement de mariage»2. Il les soutient pour vivre la fidélité. La prise de conscience de l’action de la grâce divine incite les époux à être humbles et remplis d’espérance: dans les joies et les épreuves de leur vie de couple et de famille, le sacrement de mariage restera un lieu de révélation, car Dieu est fidèle.
Pourquoi certains découvrent-ils que le mariage est un chemin de vie, tandis que d’autres passent à côté? Lorsque religion et sexualité sont moins encadrées par la société, le mystère du mariage et du célibat rejoint celui de la foi: «seuls comprennent ceux à qui cela est donné» (Mt 19, 11). La mission des Équipes Notre-Dame n’en est que plus pressante: soutenir les équipiers pour qu’ils puissent, sans jamais écraser, témoigner de la miséricorde de Dieu pour eux-mêmes et pour tous.
Philippe Bordeyne
Prêtre du diocèse de Nanterre
Président de l’Institut Pontifical Jean-Paul II à Rome

